samedi 5 janvier 2008

fin de l'invasion... ou pas



Fin de l’invasion… ou pas

Ce matin, Thaer et sa famille, ont fuit l'immeuble malgré le nombre encore supérieur de militaires et l'élargissement de la zone d'invasion.

Wajdi les accompagnait.

Il est revenu environ deux heures plus tard avec une équipe médicale. Ils étaient complètement épuisés et assoiffés.

De justesse, ils venaient de rescaper une femme et ses trois enfants. Une bombe lacrymogène avait été lancée dans leur appartement, comme celui-ci est à moitié enterré, la fumée les avait encerclés en quelques secondes, les aveuglant et les asphyxiant. De l'oxygène pour les enfants a suffit mais leur mère, qui est restée plus longtemps exposée, parce que les urgentistes ne parvenaient pas à la retrouver, est dans un état critique.

Le docteur de l'équipe, une jeune diplômée, a examiné ma belle mère. Ce fut un soulagement pour nous car ces derniers jours sa santé était préoccupante. Finalement c'est une simple réaction allergique, probablement due aux gaz, qui avait déclenché une crise d'asthme. En attendant la fin de l'invasion un peu de ventoline devrait la calmer. Ils nous ont fournit les médicaments et du pain et sont repartis.

Des fenêtres, des habitants les appelaient, ils n'ont pu en secourir que quelques uns. Sur 9 familles qu'ils ont visitées les 9 nécessitaient des soins.

A 14h45, les soldats qui occupaient l'appartement de Thaer ont commencé à descendre des dizaines de sacs et de cartons, j'en ai même vu descendre les poubelles. Dix minutes plus tard, plus un bruit. En un instant nous ouvrons tous nos portes "ils sont partis ?" "ils sont partis !!" On entendrait presque des youyous de victoires, les petits se ruent dehors, dévalent les escaliers en hurlant. Les adultes ahuris sortent sur les paliers, demandent des nouvelles les uns aux autres. J'aperçois ma belle mère faire une prière que je sais être de remerciement. Mon beau-père entre dans l'appartement de Thaer "c'est vide", nous entrons tous. Un subtil parfum, mélange de merde, de gaz et de rance nous empoigne. Le spectacle est désolant. Je pense à ce que j'aurais ressentit si j'avais retrouvé dans cet état notre appartement, notre chambre dont nous venons de finir la décoration.

Petit à petit nous voyons les autres véhicules quitter notre rue puis notre quartier. Mon beau-père est inquiet pour son magasin, alors Wajdi et moi sortons pour aller constater les dégâts.

Nous croisons beaucoup de gens en pyjamas venus s'enquérir de la santé de leurs proches, de l'état de leurs commerces. Les rues sont couvertes de détritus, d'eau, de cartouches vides. L'odeur du gaz est si tenace qu'elle nous prend encore la gorge et nous brule les yeux. De nombreuses portes ont été explosées, la plupart des stores des magasins ont été détruits vomissant leurs marchandises. Une bonne étoile veille sur nous, le magasin de mon beau-père est intact.

En moins d'une demi-heure, les ruelles de la vieille ville sont noires de monde. J'entends crier "Allah Ouakbar" et je vois défiler des dizaines de jeunes courant et applaudissant. Wajdi m'indique qu'ils sont venus fêter la poignée de résistants qui ont survécu. Je n'aime pas ces mouvements de foules, je commence à m'interroger. Pourquoi l'armée israélienne a-t-elle quitté la ville en plein milieu de l'après midi et en quelques minutes ? Je suis prise de panique, c'est un piège j'en suis sure. Je veux rentrer.

De retour chez nous, nous trouvons les deux frères de Wajdi et sa sœur venus nous embrasser. Quelques minutes à peine s'écoulent et Majed reçoit un coup deléphone de sa femme, restée chez eux dans les hauteurs de la ville. Les soldats redescendent, deux de leurs voisins sont blessés.

C'était il y a une heure et demie. Maintenant, Naplouse est de nouveau vide et silencieuse.

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