Il est au coin de la rue, il regarde les passants vacants paisiblement à leurs occupations, s'affairant aux négoces de la ville. Peut-être rêve t'il d'une autre vie. Peut-être pense t-il à sa femme avec laquelle il n'a pu passer une seule nuit depuis son mariage, pas même celle de leurs noces.
Des policiers l'aperçoivent, ils ouvrent le feu.
Il sort son arme et se précipite dans son domaine, la vieille ville. La course poursuite commence. Il est l'enfant de ces ruelles, le labyrinthe est la meilleure de ses protections. Les policiers sont des dizaines maintenant à ses trousses, ils virent les étals, mitraillent aveuglément, dégagent sans retenue les passants. Ils sont au cœur de la vieille ville, ils se regardent hébétés, le cavalier de la nuit s'est envolé. Ils sont furieux, ils crient, insultent les marchands, leurs ordonnent de fermer leurs commerces et tabassent les récalcitrants. Un passant prend peur, il court. Des policiers le rattrapent, le jettent au sol et lui tirent dessus. Peut-être plus tard lui demanderont-ils pourquoi il courrait.
Cette fois c'en est trop. La population est excédée, elle se regroupe et fait face à la police. Non. Non, vous ne continuerez pas à nous humilier de la sorte. L'oppression du peuple doit cesser. Maintenant. "Brigades ! Brigades ! Brigades !" Les coups partent, il y a des blessés. Encore.
Je comprends qu'il n'y ait pas de cinéma à Naplouse, quelle utilité puisqu'il suffit de vivre ici pour être dans un film américain. Le cavalier de la nuit ce n'est pas Zorro, désolée. Celui-ci est le chef de la brigade des cavaliers de la nuit, subtile nuance. Ce récit n’est pas un mauvais synopsis, c’est une après-midi à Naplouse.
10ème jour de l'escalade, à toute heure du jour ou de la nuit les affrontements éclatent. Hier à Balata, aujourd'hui dans le centre ville, tantôt les invasions sont palestiniennes, tant tard elles sont israéliennes, elles sont contre les résistants ou contre les manifestants et de façon générale les coups partent sur ceux qui se trouvent au mauvais endroit au mauvais moment.
L'information circule à peine car la censure est absolue. Personne ne connait exactement le nombre de blessés d'un camp ou de l'autre, ni le nombre de personnes arrêtées par l'une ou l'autre des armées. Les plus opprimés s’insurgent et les rangs de la révolte gonflent de jour en jour. Hier le gouverneur de Naplouse à été attaqué, ses gardes du corps ont été blessés et sa voiture à été réduite en cendres. Les manifestations sont réprimées mais cette oppression ne fait qu’accroitre la fureur.
Un cercle de fumée entoure la lune ce soir, elle seule reste claire. Le phénomène est vraiment étrange, elle semble se détacher de notre monde. Si même la lune sombre dans le mélodramatique, alors…
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire