vendredi 31 août 2007

cette nuit...

Cette nuit à 1h30 les soldats sont venus à la maison, ils sont repartis un peu avant 5h.

Nous les avons entendus arriver, mais je ne les voyais pas par la fenêtre. Ils ont commencé à taper à la porte du bas comme des forcenés. Wajdi et son père son partis ouvrir. Entre temps, le voisin, sa femme et sa fille d'1an nous ont rejoins par peur.

Je tremblais quand Wajdi est descendu pour leur ouvrir, je ne me souviens pas si j'étais assise ou debout quand ils ont franchi le seuil. C'est drôle comme ils m'ont paru grands, je me demandais si c'était la situation, leurs bottes ou une sélection à l'examen d'entrée.

Je n'ai plus tremblé après, mon cerveau m'a déconnecté, j'étais comme dans un rêve, cela n'existait pas, cela n'a jamais existé.

Nous nous sommes assis sur le canapé, silencieux. La mère de Wajdi récitait à voix basse des versets du Coran, nous avons tous allumé une cigarette, puis deux. Wajdi a demandé de l'eau pour nous. Ils ont demandé à Wajdi de fermer les fenêtres, Wajdi leur a dit "are you affraid to close it by yourself".

Un des soldats nous "gardait", debout son arme visant nos genoux, au cas où. Nous avons échangés nos places pour que Wajdi vienne s'asseoir à côté de moi. Chacun de nos mouvements était doux, au moindre mouvement brusque les coups pouvaient partir. Nous ne le devinions pas, nous le sentions.

Mon sourire est ma plus grande force, la pire de mes insultes, alors j'ai souri, caressé le visage de Wajdi, croqué bruyamment mes bonbons, ri abondamment aux mots d'humour de Wajdi. Ils n'existaient pas.

Nous entendions leurs vas et viens, les meubles qui bougeaient, appréhendions le vol de nos affaires. Pas très adroite comme toujours, j'avais planqué mon ordi et mes bijoux dans l'armoire, comme me l'a dit Wajdi j'aurai mieux fait de les laisser là où ils étaient !!!

Le père de Wajdi a demandé à aller aux toilettes, ils ont refusé d'abord. Wajdi a commencé à s'énerver, la tension est monté, puis ils l'ont autorisé. Moi je me suis retenue, je n'en pouvais plus mais j'ai remercié les challenges que je faisais à mes parents petite "non je ne suis pas une pisseuse, je peux me retenir des heures".

En repartant, ils ont utilisé Wajdi comme bouclier humain, j'avais peur pour Wajdi. Peur qu'il se prenne une balle, peur qu’ils l’arrêtent. J'attendais en haut de l'escalier, Wajdi est remonté, j'ai remercié du fond du cœur ses parents de m'avoir laissé ce moment pour moi toute seule, le voir remonter, le serrer dans mes bras.

Ils ont relevés les noms et les numéros d'immatriculation des cartes d'identités des hommes. Pas un seul coup de feu n'a été tiré de toute la nuit, c'est la première fois depuis que je suis à Naplouse. Ils vont revenir, ils ont aimés notre appartement, puis c'est sur ils envahiront la ville.

Nous n'en avons pas parlé hier. J'ai découvert ma chambre sans dessus dessous, ils avaient marché partout, sur le lit, les coussins, les meubles étaient complètement retournés.

Difficile d'affronter cette journée. Pas envie de continuer à faire semblant. Wajdi m'a convaincu de parler avec lui, il avait besoin de parler lui aussi. Lui aussi il faisait semblant. Il m'a raconté comment ils lui ont demandé de se déshabiller lorsqu'il leur a ouvert la porte de l'immeuble. Il m'a raconté comment lorsqu'il a fermé les fenêtres des chambres il s'est mis à quatre pattes pour éviter les tirs des militants. L'un des soldats l'a provoqué, alors de rage il s'est levé, il n'en avait plus rien à foutre de se prendre une balle.

Lorsqu'il est descendu, l'un des soldats à voulu l'arrêter et l'emmener, le chef l'en a empêché. Nous savons que ce sera pour l'utiliser plus tard. En parlant avec Wajdi j'ai réalisé que plus tard signifiait peut être ce soir.

Il a mal de ne pas avoir répondu plus violemment, moi je l'admire. Chacune des questions qu'ils nous ont posé portait un peu plus profond le couteau sous notre gorge "pourquoi une balle est venue se loger dans l'armoire de ses parents, pourquoi Wajdi à téléphoné à notre voisin lorsque les soldats sont arrivés, pourquoi le téléphone de la maison s'est mis à sonner à 4h du mat..." Je n'aurai pas eu la moitié des réponses qu'il a données.

Je vais aller manger, Wajdi m'attend. Ce n'est pas facile pour moi, je ne veux pas en rajouter. Si je montre trop à Wajdi le choc que cela à représenté pour moi il se sentira encore plus impuissant, quand je lui ai dit que pour moi ils n'étaient pas là il m'a répondu "ils étaient assis sur mon cœur".